Jean Gfeller, né en 1996 en Suisse, est un artiste récemment diplômé des Beaux-Arts de Nantes et ancien élève de peintres français reconnus comme Damien Cadio (représenté par la galerie C) et Xie Lei (représenté par la galerie Sémiose). Sans pour autant la définir avec précision, c’est à une autre humanité que Jean Gfeller s’intéresse. Créant un dialogue entre art pictural, photographie et art numérique, il puise son inspiration en collectionnant des images du forum Reddit, qu’il fait basculer dans des situations oscillant entre l’absurde et l’étrange. Les figures isolées aux accents souvent mélancoliques s’inspirent ainsi de personnes aux comportements marginaux, du pyromane à l’exhibitionniste en passant par le criminel, et évoluent dans des espaces organisés par les aplats de couleurs et qui semblent dépourvus de perspective. Les scènes représentées transfigurent le banal : elles apparaissent familières tout en existant en-dehors d’un temps et d’un espace spécifique.
Cadres de micro-fictions que Jean Gfeller esquisse à la manière d’une énigme sans en donner la résolution, ses oeuvres sont autant de propositions de narrations, d’amorces d’histoires au potentiel rocambolesque dont nous pourrions être les héros – une promesse à la hauteur du slogan du forum Reddit, « Dive into anything ». Ses récits en pointillés, naviguant entre ironie – voire l’autodérision lorsque l’artiste se met lui-même en scène – et anxiété, impliquent un cheminement mental à partir de tous les indices qui les composent : le cadrage, la palette de couleurs ou encore les titres sont donc autant de moyens de solliciter l’imaginaire du regardeur.
La visibilité de la touche picturale, caractéristique d’un processus qui fonctionne de superposition en superposition, témoigne de l’importance du repentir dans ses oeuvres. Le sujet, d’abord esquissé, se retrouve comme enterré par des couches successives d’une peinture grasse et épaisse. Sa pratique picturale se définit ainsi par une accumulation de matière jusqu’à saturation car, comme le dit l’artiste : « Je représente des personnes aux idées ou aux comportements marginaux en leur offrant une place de choix, celle de modèle. Mais sans les chouchouter pour autant : si finalement, la peinture et ses personnages ne me conviennent pas, je les ensevelis sous d’autres couches d’huiles, sous d’autres figures étranges. » Entre planéité de la composition et matérialité de la surface peinte, le regard est conduit à investir ces mondes parallèles et vraisemblables, ces réalités toujours en décalage.
Nous lui avons dédié en 2022 sa première exposition monographique, avec le soutien du Cnap.
Son travail est récemment entré dans des collections privées françaises et suisses et dans la collection des Arts aux murs (Artothèque de Pessac).
